Description du projet

Concours de recrutement de professeur des écoles  – 1er concours interne  – Session 2011

Épreuve d’admission

Classe : CM2

 

En quoi la pratique des jeux littéraires peut éveiller  le goût pour les sonorités, les jeux de sens, la puissance émotive de la langue, aider à  rédiger différents types de textes

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Fiche descriptive

 

Ce dossier présente quelques exemples et  analyses de pratiques pédagogiques au cycle 3 dans le domaine de la littérature et d’étude de la langue, s’appuyant sur les jeux littéraires.

Dans un propos liminaire, je justifierai l’utilisation des jeux littéraires du point de vue de la littérature elle-même.

Puis je démontrerai son apport pédagogique tant pour l’étude de la langue que pour la littérature et la production de textes longs.

Ensuite, à  travers quelques exemples j’exposerai les compétences requises et celles susceptibles d’être développées par cette pratique des jeux littéraires. Je terminerai en évoquant les limites, les écueils et les contraintes que cette pratique pédagogique induit.

 

 

Sommaire

fiche descriptive page 1
sommaire page 2
La pratique des jeux littéraires et les programmes de l’école primaire pages 3
propos liminaire : le jeu, une vraie pratique littéraire page 3 et 4
 
A• Les jeux littéraires pour entrer en littérature page 5
         1• la contrainte du jeu littéraire : une aire qui rassure page 5
         2• la contrainte des jeux littéraires : un alibi pour la liberté d’expression page 5
         3• Le jeu justifie l’exercice scolaire page 6
         4• le jeu littéraire est gratifiant et souvent jubilatoire page 6
         5• les jeux littéraires forcent l’attention que la plupart des élèves n’accordent pas ordinairement à la rédaction page 6
B• La pratique des jeux littéraires : un pont entre l’étude  de la langue et la littérature  page 6 et 7
         1• deux exemples : l’expansion et le M + 7 pages 7
         2• un autre exemple : les cadavres exquis pages  8
C• Un jeu littéraire pour observer la structure d’une fable pages   9
D• L’évaluation page   10
Limites, écueils et contraintes… pédagogiques pages 11 et 12

 


 

 

 

 

La pratique des jeux littéraires et les programmes de l’école PRIMAIRE

La pratique des jeux littéraires aide à l’acquisition de nombreuses compétences requises par les programmes et liées tant à l’observation des textes qu’à leur production. Elle répond aux dernières instructions des programmes de 2008 en lien avec le socle commun:

 

DEUXIÈME PALIER POUR LA MAÎTRISE DU SOCLE COMMUN : COMPÉTENCES ATTENDUES À LA FIN DU CM2

Compétence 1 :

La maîtrise de la langue française
L’élève est capable de :
- s’exprimer à l’oral comme à l’écrit dans un vocabulaire approprié et précis ;
- prendre la parole en respectant le niveau de langue adapté ;
- lire avec aisance (à haute voix, silencieusement) un texte ;
- lire seul des textes du patrimoine et des œuvres intégrales de la littérature de jeunesse, adaptés à son âge

 

 


propos liminaire : le jeu, une vraie pratique littéraire

 

Le jeu littéraire est aussi ancien que la littérature elle-même. C’est ce que nous rappelle Yak Rivais, instituteur et auteur de plusieurs livres sur la pratique des jeux littéraires à l’école : jeux de langage et d’écriture, Les sorcières sont N.R.V (24 contes et 24  jeux littéraires), Fables importantes, (60 fables de La Fontaine réécrites avec 60 règles de jeux d’écriture)… L’acrostiche est pratiqué depuis l’antiquité, le bout-rimé est repéré dès la Renaissance, le lipogramme depuis le VIème siècle av. JC …  (Le roman policier-280 page – de Georges Perec La disparition, publié en 1969, lui a donné  ses lettres de noblesse)

Tous les jeux littéraires se fondent sur une contrainte, plus ou moins forte, que l’on impose à un poème, un récit, une lettre… « La contrainte motive, entraîne à réussir une gageure, fournit une règle et une unité, libère la parole et permet l’échange. Elle oblige à rechercher des solutions au  delà de l’impulsion, pousse l’imagination à reconsidérer les propositions spontanées, à puiser dans des connaissances reléguées au fond de la mémoire, laissées de côté par l’enfant. »  (Extraits de la préface  des jeux de langage et d’écriture  par Yak Rivais)

L’importance de la contrainte en littérature transparaît dans les rapports  que les artistes entretiennent avec elle. Verlaine consacre un poème, « l’Art poétique » à la plus célèbre des contraintes, la rime :

« Tu feras bien, en train d’énergie / De rendre un peu la Rime assagie. / Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ? / Ô qui dira les torts de la Rime ? / Quel enfant sourd ou quel nègre fou / Nous a forgé ce bijou d’un sou / Qui sonne creux et faux sous la lime ? »

Elle passionne : les surréalistes la bannissent avec l’écriture automatique (on n’en retiendra pas moins pour la classe, leurs « cadavres exquis »). Perec, auteur du roman lipogramme en “e” monumental, s’associe à Queneau, Calvino et d’autres dans un “Ouvroir à la Littérature Potentielle”, véritable laboratoire de jeux fondés sur la contrainte en littérature. On passe d’un camp à l’autre : Queneau, après avoir côtoyé les surréalistes, ferraillera avec eux et écrira à propos de l’écriture automatique : « Le classique qui écrit sa tragédie en observant un certain nombre de règles qu’il connaît est plus libre que le poète qui écrit ce qui lui passe par la tête et qui est l’esclave d’autres règles qu’il ignore. » Paul Valéry fera remarquer qu’elle seule permet d’aller de l’avant : « On ne s’appuie que sur ce qui nous résiste. »

 

En classe, avec la pratique des jeux littéraires, on ne se contente pas de s’entraîner à la littérature, on y entre de plain-pied. La poésie en classe servira à « amener l’enfant à jeter sur le monde qui l’entoure un autre regard que le regard machinal de la quotidienneté, si vite blasé, si vague, si banal, et si totalement en télévisionné qu’il ne sait plus rien voir quand on casse la vitre magique »  (extrait de Charpentreau 1979 p. 20 publié par Jocelyne Giasson dans les textes littéraires à l’école)

 

Bien placés bien choisis

Quelques mots font une poésie (…)

L’instant fatal de Raymond Queneau chez Gallimard

 

 

A• Les jeux littéraires pour entrer en littérature

 

1• La contrainte du jeu littéraire : une aire qui rassure, qui prépare à la production de textes longs

La liberté donnée par le simple texte libre  peut laisser perplexes certains élèves, « seuls » face à la page blanche. Le jeu littéraire donne un point de départ, une raison d’avancer, un premier mot. Sa pratique régulière est un excellent entraînement, une gymnastique, qui permettent à l’élève de se préparer à la production d’écrits, sans forcément le percevoir, de  se créer des automatismes, de forger sa maîtrise de la langue. (cf. ci-dessous l’apport du jeu M+7 et de l’expansion,  à l’acquisition des compétences   dans le domaine grammatical, lexical, orthographique). Cette pratique  des jeux littéraires, activité « décrochée », n’a pour vocation que de converger vers la production de textes longs : travailler sur le conte, le récit narratif, le roman policier, le documentaire, l’enquête, le questionnaire…(en relation avec le projet de classe). D’autre part la pratique, des jeux littéraires se fait en lien avec les autres types de rédaction de textes prévus dans les programmes de 2008. Aussi,  il semble que le rythme d’une   heure par mois ou toutes les 3 semaines respecte cet équilibre à trouver. Il permet à l’un de se nourrir de l’autre, sachant que l’on écrit à toute heure de la journée et dans toutes les matières.

Extraits des programmes de 2008 :

Dans les diverses activités scolaires, prendre des notes utiles au travail scolaire – Rédiger différents types de textes d’au moins deux paragraphes en veillant à leur cohérence, en évitant des répétitions, et en respectant les contraintes syntaxiques et orthographiques ainsi que la ponctuation – Ecrire un texte de type poétique en obéissant à une ou plusieurs consignes précises – Maîtriser la cohérence des temps dans un récit d’une dizaine de lignes.

 

2• La contrainte des jeux littéraires, un alibi pour la liberté de l’expression

La contrainte qui pourrait apparaître comme une limitation de l’expression littéraire lui offre paradoxalement un appui, un cadre dans lequel on s’autorise à dire.

En effet, la contrainte rassure l’élève, lui offre une enceinte dans laquelle il peut se raconter : ce n’est pas moi qui dis telle chose, c’est la contrainte qui parle. On est frappé, dans l’observation des productions d’élèves combien des propos  tenus, sont souvent  liés à l’histoire qu’ils vivent, qu’ils n’auraient pas exprimés sans la protection que représente le respect de la contrainte. En cela la pratique des jeux littéraires est profondément artistique.

 

 

 

3• Le jeu justifie l’exercice scolaire

Certains élèves rejettent l’exercice scolaire, considéré par eux, comme gratuit. Pour ceux-là, la seule gratuité admise est celle du jeu, à plus forte raison lorsque ce jeu leur lance un défi : un lipogramme en e en constitue alors un, auquel certains s’empresseront de répondre.

 

 

4• Le jeu littéraire est gratifiant

Les résultats obtenus par les élèves sont le plus souvent étonnants. La lecture en classe de leurs productions est aussi un moment formateur et apprécié ainsi que leur affichage. La pratique de

l ‘enregistrement de leur production, puis de leur écoute est un moment particulier : prendre connaissance de sa voix. Elle  permet de s’entraîner à parfaire sa diction orale, son élocution, son expression face à autrui.

 

 

 

5• Les jeux littéraires forcent l’attention que la plupart des élèves n’accordent pas ordinairement à la production de textes longs.

Généralement, les mots ne sont pas pesés mais jetés comme ils viennent, la voie la plus simple est empruntée même si elle est pauvre. La contrainte qu’imposent certains jeux, tel le lipogramme en “a”, qui

interdit l’utilisation de tout mot contenant un “a”, empêche de prendre le premier mot venu. Cette contrainte habitue à suspendre sa plume à la recherche d’un mot qui convient, elle habitue à des détours, ce qui est précisément la pratique de l’écrivain.

 

 

 

 

 

 

 

B• La pratique des jeux littéraires : un pont entre l’étude de la langue et l’approche de la littérature  (vocabulaire, conjugaison, orthographe, grammaire compétences mises en jeu)

 

1• Deux exemples : le M + 7 et l’expansion

Dans le tableau suivant j’ai classé les compétences requises dans deux jeux littéraires : le M +7

(Prendre dans le dictionnaire le 7 ème mot suivant le mot souligné par le maître dans une phrase) et l’Expansion (dans un texte, remplacement des mots choisis par le maître, par leur définition.)

 

Vocabulaire Grammaire Conjugaison Orthographe
M + 7 Utilisation du dictionnaire :trouver l’infinitif d’un verbe pour le chercher dans le dictionnaire

(ordre alphabétique, compréhension des abréviations…)

 

 

Chercher la nature d’un mot avant de le chercher dans le dictionnaire : exemple de difficulté (qu’on peut choisir d’éviter lors du choix du texte) : “lorsqu’on les joint par un segment”Faire attention à la transitivité du verbe d’origine et la respecter.  Conjuguer le verbe de remplacement : repérer et respecter le temps, la personne du verbe conjugué Réaliser les accords, Si le genre du mot remplacé est différent du mot d’origine, ou autre 
Expansion Utilisation du dictionnaire :Choisir parmi les différents sens du mot 

Ne pas confondre la définition et l’exemple.

« Dans la définition le mot lui-même est toujours absent, dans l’exemple toujours présent »

(…}

 

Savoir s’adapter   pour conserver la correction grammaticale du texte.Savoir “s’y retrouver” dans une phrase complexe

 

Conjuguer le verbe contenu dans les définitions   repérer et respecter le temps, la personne du verbe conjugué Réaliser les accords : adjectifs, déterminants, si le genre du mot principal de la définition est différent du mot d’origine

 

 

 

 

Les objectifs du socle commun 2ème palier :

« Le vocabulaire :

Enrichir quotidiennement le vocabulaire des élèves est un objectif primordial, dès l’école maternelle et tout au long de la scolarité obligatoire. Les élèves devront connaître :

• un vocabulaire juste et précis pour désigner des objets réels, des sensations,

des émotions, des opérations de l’esprit, des abstractions ;

• le sens propre et le sens figuré d’une expression ;

• le niveau de langue auquel un mot donné appartient ;

• des mots de signification voisine ou contraire ;

• la formation des mots, afin de les comprendre et de les orthographier.

 

Ces deux jeux ont en commun de ne demander à l’élève aucun travail de rédaction proprement dite : les mots sont strictement déterminés par la règle. Ils se distinguent en cela de jeux de rédaction comme le lipogramme.

Le M + 7 produit   des textes loufoques, l’expansion des textes amusants parce que « trop savants »

« Une grenouille nageait vers la rive. » donnera

« Un grief naviguait vers un robinet » avec le M + 7.

Avec l’expansion, nous obtiendrons par exemple :

« Un batracien sauteur et nageur aux pattes postérieures longues et palmées avançait à la surface de l’eau grâce à des mouvements particuliers vers la bande de terre qui borde l’étang ».

Remarques :

Pour le M + 7, des libertés peuvent être prises par rapport à la règle :

- on « passe » un mot de remplacement si on ne l’a jamais entendu.

- le M + 7  peut être transformé en  M + 6 à M + 10

Le rendu du M + 7 dépend beaucoup de la forme du texte de départ que l’on a choisi.

Un texte très sérieux, très officiel mettra  mieux en valeur « l’outrage » qu’on lui fait subir. Mais on se gardera cependant, avec des élèves, de choisir un texte contenant des valeurs fondamentales qu’on entend leur transmettre (par exemple la déclaration des droits de l’homme).

Un théorème, une règle mathématique peuvent être un bon point de départ.

Pour l’expansion, vérifier que tous les dictionnaires donnent des définitions. Certains destinés au plus jeunes élèves ne donnent que des exemples et sont à écarter.

Le travail d’anticipation du maître sur les résultats obtenus pourrait être facilité par la présence d’un même modèle de dictionnaire pour tous les élèves.

 

2• Un autre exemple : les cadavres exquis

Jeu à plusieurs : sur une bande de papier, chacun écrit un membre de phrase grammaticalement déterminé, sans connaître ce que les joueurs précédents ont écrit.

Les compétences et les connaissances mises en jeu apparaissent ici dans la consigne elle-même :

n° 1 : un complément circonstanciel de lieu / n° 2 un déterminant + un nom (au féminin singulier) / n° 3 un adjectif qualificatif (au féminin singulier) / n° 4  un verbe (transitif) au présent de l’indicatif, à la 3ème personne du singulier / n° 5 un complément circonstanciel de manière / n° 6 un déterminant + un nom (au masculin singulier) […] »

Le résultat des cadavres exquis est rarement décevant. On perdrait beaucoup, en fin de séance, à ne pas les déclamer.

Attitudes

« L’intérêt pour la langue comme instrument de pensée et d’insertion développe :

• la volonté de justesse dans l’expression écrite et orale, du goût pour l’enrichissement du vocabulaire ;

• le goût pour les sonorités, les jeux de sens, la puissance émotive de la langue ;

• l’intérêt pour la lecture (des livres, de la presse écrite) ;

• l’ouverture à la communication, au dialogue, au débat. » extraits des programmes de 2008

 

 

C• Un jeu littéraire, pour observer la structure d’une fable

Avec le jeu des « Faux-mots » on remplace des mots d’une fable, par exemple, par des mots qui n’existent pas. Si à la lecture du début de la consigne ce jeu peut sembler très simple, la suite le complique : il faut respecter les règles de forme que s’est imposées La Fontaine, le nombre de pieds de chaque vers, les rimes… Pour que les enfants apprécient le résultat amusant de leur travail, il est essentiel d’avoir préalablement mémorisé la fable, de s’être entraîné à la dire de la façon la plus expressive. Il est nécessaire qu’elle soit devenue familière.

Commençons par un passage du résultat obtenu par un élève :

« Le Mino et le Fidan

Maître Mino, sur un doudon perché, / Tenait en son clup un crosage. / Maître Fidan, par l’izone alléché, / Lui tint à peu près ce langage : / Et bonjour, Monsieur du Mino. / Que vous êtes bonpir, que vous me semblez plo ! / Sans patoir, si votre sarage / Se rapporte à votre planfage, Vous êtes le cadoc des flairis de ces gois. […] »

Pour parvenir à ce résultat après avoir observé avec les élèves la forme de la fable, il faudra surmonter de multiples problèmes : repérer les rimes et les anticiper ; le choix de Mino anticipe la rime avec le vers 5. Pour respecter le nombre de pieds, le fonctionnement des e muets devra être précisé : “on les entend quand le mot qui les suit commence par une consonne”. Le Mino, comme le Corbeau devra se retrouver 3 fois dans notre fable, le clup, le crosage et le Fidan deux fois. Enfin on repérera les verbes à remplacer pour conserver leur terminaison verbale et préserver la cohérence grammaticale.

La fiche distribuée aux élèves après la correction par le maître fait apparaître d’autres difficultés auxquelles les élèves se sont parfois heurtés.

 

« Codage des erreurs » :

S : nombre de syllabes incorrect / R : rime non respectée / V : forme verbale de la terminaison non respectée / P : mot trop proche du mot de la fable (une seule lettre modifiée…) / C : le mot inventé qui doit apparaître ici a déjà été choisi / E : ce mot existe en français / M : suite de lettres imprononçable ou/et n’existant pas en français »

 

 

D• L’évaluation

Certains jeux littéraires n’ont besoin que d’une évaluation strictement quantifiable fondée sur le respect ou le non-respect des contraintes, des règles imposées. D’autres jeux, faisant intervenir la rédaction mêlent l’évaluation  du respect des règles et celles de l’ensemble des compétences liées à la rédaction1. Dans tous les cas, on veillera à tenir compte, après une première correction du maître de la capacité de l’élève à repérer ses erreurs et à les corriger.

1 : Rédiger un texte d’une quinzaine de lignes (récit, description, dialogue, texte poétique, compte rendu) en utilisant ses connaissances en vocabulaire et en grammaire


Limites, écueils et contraintes… pédagogiques 

 

Malgré ce plaidoyer pour la pratique des jeux littéraires à l’école, je n’ignore pas les limites de ces derniers.

Si ces jeux entraînent beaucoup d’élèves, ils ne parviennent pas toujours à lever les résistances que certains opposent à l’apprentissage scolaire. Ce que la pratique « ordinaire » ne parvient pas à résoudre, les jeux littéraires le réussissent parfois, seulement parfois. Je suis toujours attentif au résultat de la pratique de ces jeux sur les élèves accusant un retard scolaire. Les résultats sont souvent heureux. Mais les jeux littéraires à l’évidence, ne sont pas une pratique magique.

Il convient de toujours observer les obstacles rencontrés par les élèves et de chercher l’erreur possible du maître dans la conception de l’exercice.   Même s’ils sont aisés pour les élèves, ces exercices demandent beaucoup d’attention au maître quant au choix des textes, des mots, quant aux conséquences de l’introduction d’une variante.

Le premier écueil auquel on pense naturellement est la difficulté de la contrainte dans les jeux proposés. Il importe de savoir l’adapter à sa classe, de prévoir une variante possible pour les élèves les plus en difficulté.Pour mettre en place une différenciation on peut par exemple, au lieu d’un lipogramme en “e” qui  peut s’avérer inadapté (bien que dans le REP où je travaille, cela se soit rarement produit), se limiter au lipogramme en “a”, bien sûr beaucoup plus accessible. Il sera nécessaire de prévoir des exercices progressifs afin que tous, élèves en difficulté compris, accèdent à ce type de lipogramme. (Donner un court poème d’un auteur, et proposer aux élèves de repérer tous les mots comportant un e – ou e accentué -  et de dresser sa liste de mots afin de les remplacer  avec des synonymes ou pas…)

Enfin, si les jeux littéraires aident à l’acquisition des compétences,  ils participent de l’exigence  de  l’étude rigoureuse de la langue dans tous ses aspects :

- lire seul et comprendre un énoncé, une consigne ;
- comprendre des mots nouveaux et les utiliser à bon escient ;
- dégager le thème d’un texte ;
- utiliser ses connaissances pour réfléchir sur un texte (mieux le comprendre, ou mieux l’écrire) ;
- répondre à une question par une phrase complète à l’oral comme à l’écrit ;
- rédiger un texte d’une quinzaine de lignes (récit, description, dialogue, texte poétique, compte rendu) en utilisant ses connaissances en vocabulaire et en grammaire ;
- orthographier correctement un texte simple de dix lignes – lors de sa rédaction ou de sa dictée – en se référant aux règles connues d’orthographe et de grammaire ainsi qu’à la connaissance du vocabulaire ;
- savoir utiliser un dictionnaire. » (Extraits compétences du socle commun)

 

Les jeux littéraires donnent des résultats d’autant plus probants :

- que la règle vient donner du sens au texte ou l’appuie.

- que le texte, détourné est familier à la classe.

Enfin, les jeux littéraires gagnent beaucoup à être pratiqués, au moins en partie, en groupes. En effet, le groupe classe convient pour constituer un répertoire préalable, tandis qu’il y aura bénéfice, pour la rédaction à organiser des groupes de deux, trois ou quatre élèves.

Les jeux littéraires, induisant le plaisir et favorisant la réussite des apprentissages, auront ainsi répondu aux exigences institutionnelles et permis aux élèves de goûter les premières saveurs de la littérature.

On peut inventer, adapter des jeux littéraires, au but recherché, à un thème abordé, à travailler les compétences. Voici la liste, non exhaustive, d ‘autres types de jeux littéraires sur lesquels on peut s’appuyer.

L’Allitération :répétition  d’une  ou plusieurs consonnes dans un vers

Acrostiche : la première lettre des vers d’un poème doit former un mot ou le premier mot, une phrase.

Lipogramme : invention d’un  texte en s’interdisant tous les mots contenant une lettre déterminée. Le choix de la lettre interdite permet de varier la difficulté de l’exercice. Des variantes sont possibles mais trop difficiles pour l’école élémentaire, comme « la belle absente » où l’on s’interdit toutes les lettres d’un mot donné, par exemple d’un prénom.

Pangramme : obligation d’  utiliser une lettre déterminée dans tous les mots d’un texte

Texte monosyllabique : tous les mots du texte doivent être monosyllabiques.

Logo-rallye : tous les mots d’une liste donnée doivent apparaître dans un court récit.

Calligramme : les phrases d’un texte forment un dessin qui illustre celui-ci.

 

Difficulté propre à l’enseignement de  la littérature.

La littérature, et les mathématiques offrent des résistances bien différentes. La mathématique, bonne fille, se laisse apprécier en chacune de ses parties, chacun de ses degrés. L’affirmation selon laquelle deux droites perpendiculaires à une même droite sont parallèles entre elles n’est pas moins vraie que la plus difficile des théories mathématiques. La littérature est moins compréhensive. Dans telle page de son œuvre André Gide, par exemple, a investi tout son art, toutes ses compétences et ce qu’il nous donne à y voir, à y entendre, ne se peut  appréhender mot par mot, phonème par phonème.

La pratique des jeux littéraires qui permet  « d’éveiller  le goût pour les sonorités, les jeux de sens, lapuissance émotive de la langue »est certainement un « plus » pour la production d’écrits de textes longs.